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Philippe Mayet se souvient du temps où l’Arsenal montait des tracteurs de la Société française

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La ville de Roanne devrait résonner du son caractéristique du Vierzon ce week-end. L'association locale le Musée des Monts de la Madeleine organise en effet une manifestation consacrée aux tracteurs agricoles anciens, notamment ceux de la Société Française. 

Ce n'est pas un hasard si la sous-préfecture de la Loire rend hommage aux fameux SFV : durant l'après-guerre, de 1947 à 1953, plusieurs milliers de tracteurs Vierzon y ont été produits, dans les ateliers de l'Arsenal, connu aussi sous le nom d'ARE, spécialisé jusqu'alors dans la production d'armes et d'équipements militaires.

Nouveau débouché

Le Vierzonnais Philippe Mayet, quatre-vingt-huit ans, ancien ingénieur de la Société française, se souvient fort bien de ce temps où les monocylindres conçus à Vierzon étaient fabriqués dans la Loire. Et pour cause. Il fut l'une des chevilles ouvrières de la mise en place et du fonctionnement des chaînes de montage des machines agricoles au sein des ateliers de l'Arsenal.

« La Société française cherchait à l'époque un débouché pour produire plus de tracteurs, se remémore-t-il. Des pourparlers ont alors été engagés entre la direction et celle de l'Arsenal. Après la guerre, alors qu'il n'avait plus beaucoup d'ouvrage, celui-ci voulait développer d'autres secteurs d'activité. L'affaire s'est donc conclue. »

Très tôt, Philippe Mayet, alors jeune ingénieur fraîchement entré à la Française (1), a été associé au projet. « M. Teinturier, qui était directeur du bureau d'étude, et moi-même, nous nous sommes déplacés à Roanne. M. Teinturier avait sa personnalité, qui ne cadrait guère avec la discipline militaire de l'Arsenal. En revanche, on a dit de moi : "M. Mayet a l'air compétent, il pourrait faire l'affaire !" Après un épluchage en règle de quarante-huit heures, j'ai été accepté. »

Philippe Mayet organisa le montage des machines. « J'ai constitué une équipe de contrôleurs qui restaient sur place et qui étaient logés à l'Arsenal. Je me rendais là-bas une fois par semaine, pour voir comment se déroulait la fabrication et pour analyser les problèmes qui pouvaient survenir. » Pendant deux ans environ, l'ingénieur a veillé, ainsi, sur les productions roannaises, avant d'être nommé à d'autres fonctions au sein de l'entreprise (2).

Plus de trois mille tracteurs de 1947 à 1949

Les ateliers de Roanne sous-traitèrent pour la Société française six ans durant. De 1947 à 1949, 3.640 exemplaires du modèle FV1, lancé sur le marché en 1946, sont sortis de l'usine (et même 5.094 tracteurs de 1947 à 1950, selon certaines sources). « Les modèles produits à l'Arsenal étaient exactement les mêmes que ceux construits à Vier-zon. On y fabriquait l'ensemble du tracteur : fonderie, usinage, traitement thermique, montage, ainsi que le rodage, la finition et l'expédition, sur commande du commercial de Vierzon, souligne Philippe Mayet. Sauf les pièces en alu et les pneus. »

L'arrivée des tracteurs à Roanne intervint à une époque où la Société française étudiait le perfectionnement des méthodes de fabrication à la chaîne. « Jusqu'alors, chacun montait son tracteur. Le travail en chaîne était fort intéressant : on est passé de 68 à 25 heures pour construire un tracteur, sans efforts anormaux pour les personnes, mais à l'aide d'un outillage adapté. » Une expérience qui profita aux ateliers de Roanne.

La supervision de ces chaînes a occasionné de multiples anecdotes, dont la mémoire de Philippe Mayet fourmille encore. « Un jour où je passais dans les ateliers, j'ai buté dans un tas d'axes de pistons. Le tas s'est écroulé et au moins 30 % des pièces ont cassé. Elles avaient reçu un mauvais traitement thermique. Sans cet incident, elles auraient probablement été montées sur les tracteurs. » 

Il se souvient aussi du jour où il avait dû partir en urgence à Roanne, après l'explosion de trois tracteurs sur les chaînes. Il avait résolu le problème, découvrant un défaut dans la fabrication de biellettes. « Il y avait eu une modification des pièces, qui entraînait un jeu excessif, causant l'emballement des tracteurs. »

Après les FV1, de 1950 à 1953, l'ARE sous-traita des pièces de fonderie destinées à un nouveau modèle, le 401. Avant de se détourner des productions agricoles et de reprendre la fabrication d'armement. C'était il y a tout juste soixante ans…

(1) Au milieu des années 1940, il avait effectué deux ans de stage dans tous les services de la Société Française, qui l'embaucha un an et demi plus tard.

(2) Il fut plus tard, notamment, directeur du service après-vente de Case.


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