Pour le pur plaisir d'être vigneron
Il fut un temps que ni vous ni moi n'avons connu, où le Tertre de Saint-Amand était recouvert de vignes. C'était avant le phylloxéra. Avant que ce petit puceron américain et affamé décime les vignobles français et celui, plus modeste, du Saint-Amandois.
« Quand je suis au milieu de ma parcelle, je revis »Le Tertre, haut lieu de la viticulture ? Cette histoire est aujourd'hui encore inscrite dans la mythologie familiale de Bernard Boileau. « Mon grand-père Joseph était ouvrier agricole. Il travaillait chez un patron, dans les vignes du Tertre. » Depuis, tous les hommes de la famille ont eu leur vigne : son père, son frère Maurice, et lui. « Elle est au pied du Tertre, à Drevant. La terre argilo-calcaire est parfaite pour la viticulture. Je l'ai plantée il y a une quinzaine d'années en pinot, gamay, sauvignon. Six cent cinquante pieds environ. »
La vigne demande un travail régulier et par tous les temps. Ce n'est rien à côté du bonheur qu'elle procure à l'ancien facteur : « Quand je suis au milieu de ma parcelle, je revis. Je regarde l'évolution, je pense à la récolte. » Dans sa cave, l'homme garde précieusement le bouche-bouteille hérité de son grand-père Joseph.
En travaillant trente rangs de vigne, Patrice Naux a lui aussi voulu préserver un patrimoine familial. « Maintenant aller dans les vignes est devenu un besoin, un échappatoire. Pour la cultiver, je suis aidé par un ancien. » La petite parcelle du pompier de Saint-Amand est elle aussi sur le Tertre, à Drevant. « Je ne travaille qu'avec des produits naturels, comme le faisait mon père. »
Le goût particulier « du vin de vigne »Son vin lui aussi est tout ce qu'il y a de naturel. « "Le vin de vigne" comme on dit ici, les gens ne sont plus habitués à en boire ! Si on oublie de reboucher la bouteille, ça tourne en vinaigre ! »
Des « vignerons du dimanche » comme Bernard et Patrice, il en reste quelques poignées dans le Saint-Amandois. Ils ont déclaré une production de 11 hectolitres de vin en 2012 à Saint-Amand ; 17 hectolitres à Orval.
Parmi ces vignerons amateurs d'Orval, il y a Pierre Maneuvrier. Typographe de métier, l'ancien rugbyman a travaillé trente-quatre ans à l'imprimerie Clerc avant d'être licencié. « La vigne, c'est ma passion. J'ai été élevé à la campagne, à Saint-Pierre-les-Étieux. Gamin, j'allais faire les vendanges chez les voisins. J'ai eu ma première vigne en 1977. Elle appartenait à l'oncle d'un collègue. Au début, je l'ai cultivé bénévolement. » Elle faisait 1.000 mâ. « C'est pas mal comme surface, quand on fait ça en plus du boulot. » Aujourd'hui, son vignoble couvre 0,6 hectare.
Des stages en meursault et pommardQuand il a été licencié, il y a plusieurs années, Pierre Maneuvrier a repris les études et décroché un BTA viticulture, à Beaune en Bourgogne. Ses papilles lui disent encore merci. « Le vin que je produis maintenant n'a plus rien à voir ! Avant je mettais le raisin dans la cuve et je laissais faire la nature. Maintenant je contrôle la fermentation, je sulfite. J'ai beaucoup appris à Beaune, mais c'était difficile de retourner à l'école à 51 ans. »
Le passionné a multiplié les stages en appellation meursault, pommard Il connaît la taille en janvier-février, quand il fait froid, que le temps est à la neige. « C'est passionnant la vigne. Je me souviens de vacances en Vendée, où j'ai passé tout l'après-midi à visiter un vignoble plutôt que d'aller à la plage. Je suis resté ami avec le vigneron. »
Dans un mois, pour tous les trois, viendra le temps des vendanges. Chez Patrice Naux, la tradition veut qu'elles soient plus courtes que le casse-croûte qui suit.