«Nous ne devons pas avoir honte d’être dans un département pauvre?! » Cette déclaration du vice-président en charge des finances, Alain Rafesthain (PS), résume à elle seule la teneur des débats autour du budget départemental de la session d’hier.
Sans vraiment de surprise, les discussions de politique générale, précédant le vote autour du budget, ont essentiellement porté sur une autre politique générale, celle du Premier ministre Manuel Valls. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que l’annonce de la disparition programmée des départements à l’horizon 2021 n’est pas du goût des conseillers généraux, qu’ils soient de droite ou de gauche.
« Votre budget s’apparenteà un documentde fin de vie?! »« Il est évident que les départements ne peuvent être supprimés puisqu’ils sont inscrits dans la Constitution et conserver un échelon tout en supprimant l’expression démocratique du territoire concerné est bien entendu impossible, soulignait le président Jean-Pierre Saulnier (PS). Avant d’insister : « Nos concitoyens ont besoin de proximité, de démocratie, pas d’un éloignement des élus. »
La tentation était trop belle pour l’opposition de rappeler à la majorité le souvenir du président Sarkozy dans sa volonté de réformer les territoires. À l’époque, il est vrai, l’ensemble des élus de gauche n’avaient pas eu de mots assez durs pour dénoncer cet « assassinat » des territoires. « On croit rêver?!, s’indignait Michel Autissier (UMP). Vous auriez bien été inspiré d’accepter la réforme Sarkozy. Aujourd’hui, votre budget s’apparente à un document de fin de vie?! »
Son collègue, Franck Thomas-Richard (DVD) ne disait pas autre chose quand il évoquait « la mort programmée des territoires » avec « des départements devenus la variable d’ajustement du budget général de l’État ». L’élu souhaite entrer, à son tour, « en résistance » et appelle les autres conseillers « à prendre acte des résultats des municipales pour faire front commun contre les décisions gouvernementales ».
ExigencesYvon Beuchon (DVG) mettait alors en avant sa clairvoyance politique quand il prédisait, en 2008, que les départements étaient condamnés à moins que l’on aboutisse à « une péréquation financière entre les territoires » tout en « renationalisant les dépenses liées aux allocations sociales ». Deux exigences portées depuis plusieurs années par le groupe que préside Jean-Michel Guérineau (PCF). Ce dernier ne pouvait donc que s’en faire écho tout en se montrant peu tendre avec le gouvernement : « Il n’y a aucun changement dans les orientations de la politique nationale avec la même poursuite de la diabolisation de la dépense publique, pourtant utile et efficace. Le rôle des collectivités doit être conforté à l’inverse de ce qu’a annoncé le Premier ministre. Cette orientation libérale n’était pas acceptable du temps de Sarkozy, elle ne l’est pas non plus sous Hollande?! »
Rémy Pointereau (UMP), s’il n’apprécie que peu l’action du gouvernement, lui reconnaît au moins des qualités de danseur. « C’est à la fois un tango argentin et une valse à mille temps?! Tout cela donne lieu à beaucoup d’incohérences et de contradictions. » Celui qui est aussi président de l’Association des maires du Cher et sénateur relevait « la forte amertume et la colère des élus de gauche face aux annonces du Premier ministre ». Il posait alors cette question résumant l’esprit de ses collègues : « Quelles sont les perspectives à se donner quand on sait que l’on va mourir dans six ans?? »
En bon député de la majorité, Yann Galut (PS), tentait d’apporter un peu de sérénité dans le débat. « Le Premier ministre propose, les élus disposent et ce qui a été voté à l’Assemblée, c’est l’ouverture du débat autour des départements, pas leur fin. » Et l’élu de rappeler avec justesse que d’ici à 2021, la France aura changé de président et que plusieurs Premiers ministres auront eu la charge des affaires gouvernementales.
L’ancien président et actuel vice-président aux finances ne veut pas laisser entendre qu’il accepte n’importe quelle décision sous prétexte qu’elle vienne d’un gouvernement qu’il soutient. « Les départements ont un certain nombre de missions de proximité et il n’est donc pas possible de les supprimer. » Alain Rafesthain connaît bien ce département qu’il a un temps dirigé. Il sait donc ses faiblesses et notamment sa pauvreté. On note bien cependant une certaine évolution dans le discours sur la responsabilité de sa situation. Désormais, l’exécutif ne parle que peu de « l’héritage Sarkozy » mais bien « des caractéristiques du territoire ». Pas toujours simple à suivre…
Frank Simon