Les larmes coulent. Celles de Soanne (1) d’abord, tout juste majeure. Celles de sa mère ensuite. Elles sont main dans la main sur le banc des parties civiles.
Dans le box, Aziz (2), vingt-cinq ans, toise le tribunal de sa mâle assurance.
À l’écouter, c’est un tombeur malgré lui. Rien que par SMS, une jeune fille lui a dit « je t’aime ». À seulement exister, les filles se collent à lui, sans qu’il n’ait à lever le petit doigt : « Ce sont ceux qui ne courent pas après les femmes qui les ont. » Julio Iglesias ne dit pas mieux…
Soanne est âgée de seize ans au moment des faits, en février 2011. Les débuts de l’histoire qu’elle raconte ressemblent à celle que les adolescentes se textotent avec délice. Il est grand, il est beau, il sent bon le sable chaud. L’idylle porte les parfums du flirt et du bisou.
Soanne et Aziz se connaissent par l’intermédiaire du petit frère d’Aziz avec qui Soanne est sortie. Mais Aziz affirme qu’il ne connaît pas physiquement la jeune fille. Les seuls contacts qu’ils auraient eus avec elle sont téléphoniques, par la voix et les SMS.
Le 21 février 2011, Soanne se retrouve à Cap Nord, raconte-t-elle. Aziz lui demande de venir, même si le jeune homme, explique avec lucidité que « Cap Nord n’est pas un rendez-vous qu’on donne à une copine ». Moins glamour, une tour inhabitée abrite des squats. C’est là qu’il monte avec Soanne, dit-elle, dans un appartement. « J’ai reçu des balayettes et des patates », comprendre, des claques et des coups de poing au visage pour se soumettre à un acte sexuel qu’elle refuse.
Le jeune homme la déshabille, toujours selon le récit de Soanne et la force à une pénétration qui n’aboutit finalement pas. L’ado résiste de tout son corps.
Les larmes montent dans le récit de Soanne. Les imprécisions se multiplient, de l’origine de son audition (quatorze pages), deux mois après les faits à son récit public devant le tribunal, hier après-midi.
Aziz nie autant que Soanne maintient ses déclarations. Jugé en son absence à trois ans de prison, Aziz a fait opposition à ce jugement lorsque la police lui a enfin mis la main dessus pour exécuter sa peine. D’où l’audience hier après-midi. « Il y a des détails, des choses que l’on n’invente pas », plaide l’avocate de Soanne.
Elle a senti ce voile flou tomber sur l’audience. Ce doute s’insinuer dans les questions précises du tribunal et les réponses vaporeuses de la jeune fille. Car la défense exploite toutes les failles de la procédure. Sa longueur (mars 2011 à mai 2013), sa lenteur, ses incohérences, les carences de l’enquête…
Soanne est entendue deux mois après les faits. Son examen médical est réalisé quatre jours après l’agression. Les réquisitions du parquet passent de trois ans de prison ferme à dix-huit mois dont six avec sursis. Le certificat médical ne mentionne aucune trace de coups sur le visage, seule une ecchymose sur le genou gauche qui ne correspond pas, selon l’avocate de la défense, à la violence des faits décrite par la victime.
Aucune trace ADN non plus n’épaissit l’accusation. L’avocate d’Aziz appuie sur les « doutes dans les déclarations de la victime » et devant ce qu’elle considère comme « une absence d’éléments matériels », elle réclame la relaxe d’Aziz. Que le tribunal confirme. Une relaxe au bénéfice du doute, devant les carences de l’enquête.
Rémy Beurion
(1 et 2) Prénoms d’emprunt.