C’est un petit animal long d’à peine une dizaine de centimètres. Mais cela ne l’empêche pas d’être redouté. Très résistante, dotée d’un fort pouvoir reproducteur (jusqu’à quatre cents œufs, deux fois par an), pouvant marcher jusqu’à 4 kilomètres par jour, agressive, l’écrevisse de Louisiane a un fort impact sur l’écosystème.Danger pour la biodiversité et les berges
« Elle détruit les herbiers aquatiques, mange les œufs et alevins… », explique Julien Rousseau, chargé d’études à Sologne nature environnement. Pour situer la dangerosité, le parc naturel régional de la Brenne la présentait comme « la peste rouge » dans son DVD consacré à l’espèce invasive. Du côté du canal de Berry, ce sont les galeries – jusqu’à 2 mètres de profondeur – que creusent les écrevisses qui ont posé problème : « En 2011, un effondrement des berges dans le Loir-et-Cher était en partie dû à ça », précise Julien Rousseau.
Dans le Cher, ce sont les marais de Bourges qui seraient principalement touchés. « Ça fait au moins une quinzaine d’années. Depuis le début de l’année, un de mes voisins en a pris cent dans un trou d’eau de 3 mètres », assure Michel Gauguet, de l’Association des maraîchers de Bourges.
Et lutter contre cette invasion n’a rien d’évident. Le parc de la Brenne, avec plus de quatre mille étangs, est considéré comme « pionnier » dans ce domaine. Il s’est fortement investi dès l’identification officielle en juillet 2007. « On travaillait sur un DVD sur la jussie. Avec l’arrivée de l’écrevisse de Louisiane, on changeait d’échelle, estime François Pinet, chargé de mission écologie au parc. Il était important d’engager une action, sur trois axes. Tout d’abord, la communication (exposition, flyers…). Ensuite en aidant les propriétaires à la lutte : on a constitué une brigade écrevisses en 2009, de trois ou quatre personnes, qui vont aider les propriétaires à piéger, en leur prêtant des nasses, dont on a testé différents prototypes. Enfin, il y a l’aspect recherche. Depuis 2010, des étudiants travaillent sur ce sujet. » Suffisant pour réguler l’espèce ? « On n’a pas piégé les quatre mille étangs. C’est inquiétant mais il y a pas mal de choses qui ont été faites. »
Manque de moyensL’inquiétude est bien plus prononcée ailleurs. À la Fédération de pêche du Cher notamment. « On n’a pas les moyens humains de s’en occuper. À Bourges, des maraîchers essaient de piéger mais il n’y a pas d’action coordonnée », déplore Mathieu Rousseau, chargé d’études. « C’est une espèce qui demande beaucoup de moyens pour lutter, complète Julien Rousseau, de Sologne nature environnement. On en est réduits à faire de la veille. » Avant de terminer sur un constat pour le moins inquiétant : « On est un peu impuissants… »
Rémi Cazamea