valérie Fignon revient dès qu'elle le peut à Nevers, retrouver sa famille. Elle a souhaité expliquer pourquoi elle a écrit un livre sur Laurent, son mari, qui s'en allé le 31 août 2010, vaincu par un cancer.
n Ce livre est une histoire d'amour, dites-vous. Mais pourquoi avez-vous eu le besoin d'écrire ? Les gens ne connaissent pas le Laurent "privé". On m'a tellement posé de questions sur lui. Neuf mois après sa mort, j'ai ouvert son agenda. J'ai trouvé ces quatre pages manuscrites et j'ai compris qu'il projetait d'écrire un livre sur sa maladie. Il voulait faire passer des messages. J'allais chez un psy, je lui en ai parlé. Il m'a dit : "Vous devriez écrire".
n On imagine qu'écrire sur un sujet aussi intime ne s'est pas fait sans difficulté ? J'avais du mal à me livrer. Au début, je ne me dévoilais pas du tout. J'ai eu des gros doutes. Je me demandais dans quoi je m'étais lancée. Je n'avais pas envie de raconter ma vie privée. Après, c'est venu. J'écrivais partout, dès que je pouvais. Patrice Romedenne m'a aidée à construire mon histoire.
n Le docteur Michel Cymes intervient dans votre livre pour expliquer le travail de ses confrères et commenter vos émotions et réactions parfois violentes à l'encontre du corps médical. Pourquoi avoir fait appel à lui ? C'est un ami. Quand je lui ai raconté que j'avais ce projet de livre, il m'a dit : "Si tu veux, on l'écrit ensemble". Je lui soumettais ce que j'avais écrit.
n Pour qui avez vous écrit ce livre ? J'avais d'abord envie d'écrire sur l'accompagnement pour des malades. Je l'ai fait avec mes tripes. C'est plus à destination des conjoints, des proches. Je les encourage à se documenter, à essayer d'ouvrir un dialogue avec les médecins, à prendre plusieurs avis. À prendre de la distance aussi, il y a un équilibre à trouver. À parler avec le malade, même de l'après Avec Laurent, on n'a pas vraiment eu cette discussion. Soit c'était de l'humour, soit on n'allait pas au fond des choses.
« Je me suis mise entre parenthèses »n Dans quel état d'esprit était Laurent Fignon pendant toute cette période où il a lutté contre le cancer ? Il était plein d'espoir et aussi fataliste. Il n'avait pas peur. Il disait : "J'ai eu une belle vie, mais j'ai encore des trucs à faire, merde". C'était de la pudeur. Il ne s'épanchait pas vraiment.
n Et vous, comment étiez-vous ? On sent que vous n'existez plus pendant ces quinze mois entre l'annonce du cancer et le décès de Laurent ? Le cancer est tout le temps présent. Je n'arrivais pas à décrocher. Je me suis mise entre parenthèses. On m'appelait. "Salut, comment va Laurent ?" On ne vous demande pas comment vous allez. Parfois on a envie de tout envoyer balader. Je suis partie une semaine en 2009 au Mexique. Ça fait du bien. Je suis allée voir le psy (le docteur Fauré) après (le décès de Laurent), à mon grand regret. J'aurais agi autrement si j'avais lu ses bouquins avant.
n Il a fallu neuf mois pour que soit diagnostiqué le cancer du poumon. On a évoqué les éventuelles conséquences du dopage. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ? Son cancer était tellement compliqué et agressif. Il a été diagnostiqué trop tard. Laurent était malade depuis 2001. Je ne peux pas dire qu'il a été mal soigné. Il était dans de bons services, mais il y a eu du laxisme, certaines fois. Par contre, au niveau de la fin de vie, les soins palliatifs étaient très bien. Sur le dopage, Laurent a été transparent. Il a dit qu'il avait pris de la cortisone et des amphétamines. Les médecins lui ont dit que ce n'était pas pour ça qu'il avait un cancer.
n Que souhaitez-vous que l'on conserve comme image de Laurent Fignon ? Je me suis rendu compte de sa popularité à sa mort. À chaque fois que je donne mon nom, il y a toujours une réaction. Je veux qu'il reste une trace de son combat. Il n'a jamais baissé les bras. Il avait envie de dire que ça valait la peine de se battre.