Les visites en barque dans les marais organisées par l'association Patrimoine marais ont fait grincer les dents de certains maraîchers, ces dernières semaines. De quoi se pencher sur le droit à la navigation sur le site. Si les deux associations de maraîchers de Bourges se rejoignent sur les principales règles, leur point de vue diffère sur la navigation touristique sur le site.
Servitude de passage pour se rendre sur sa parcelleLes marais classés cours d'eau de deuxième catégorie. C'est-à-dire que l'eau des marais est publique mais les fonds des fossés et coulants sont, eux, privés. « La loi du 8 avril 1898 pose le principe que l'eau appartient à tout le monde », ajoute France Camuzat, président de l'Association des maraîchers de Bourges (AMB). L'ensemble des coulants sont privés, mais certaines parties appartiennent à la ville et sont donc communales.
L'importance de la bourde lors de la navigation. Le maraîcher est propriétaire de la moitié du fond du fossé mitoyenne de sa parcelle. « En conséquence, on ne peut circuler sur l'eau que si on entretient son fond », note France Camuzat.
Le principe devient légèrement plus compliqué une fois l'importance de la bourde (la perche utilisée pour diriger le bateau, NDLR) prise en considération. Lorsque l'on conduit une barque dans les marais et que la bourde touche le fond, on touche la propriété privée. « Si, lors d'un passage en barque, il y a un accident devant ma parcelle, dans le coulant dont je suis propriétaire, je peux être impliqué si un défaut d'entretien du fond est à l'origine de l'accident », estime France Camuzat.
Un droit de circulation pour les maraîchers. Pour les maraîchers voulant rejoindre leur parcelle, un droit de circulation est toléré. « Si on possède une parcelle, on peut amener des amis, sa famille, ou même improviser une petite balade gratuite », avance le président de l'AMB.
Jean-François Le Mouël, délégué départemental de l'association Sites et monuments (1), par ailleurs membre de Patrimoine marais, parle d'une « servitude de passage ». Concrètement, un maraîcher ne peut pas interdire l'accès à son coulant à un autre qui veut l'emprunter pour accéder à sa parcelle.
« On m'a aussi expliqué qu'il fallait emprunter le passage le plus court entre le port et la parcelle, ajoute Jean-François Le Mouël. Mais mesurer, ça n'a jamais été fait. Et comment pourrait-on le faire alors que beaucoup de coulants ne sont pas praticables ? »
La polémique des visites en barque reste. Les marais sont classés sur la liste des monuments et sites naturels depuis 2003. La question de sa protection et son ouverture au public sont un point de polémique récurrent entre les deux associations de Bourges, l'AMB et Patrimoine marais.
« Tourisme contrôlé » ou « visites pour étudiants »France Camuzat rappelle une étude générale des marais classés et inscrits de Bourges, datant de 2008. Cette étude précise que « le marais a besoin de ressources externes pour survivre et se doit à ce titre de faire bon accueil à des pratiques récréatives et de découverte, pour autant qu'elles soient encadrées ». Mais selon la lecture du président de l'AMB, « elle déconseille fortement le tourisme dans les marais. Si on développe ce genre d'initiatives (les récentes visites en barque de Patrimoine marais, NDLR), ça va devenir incontrôlable !»
Jean-François Le Mouël répond à cet argument en brandissant la « charte des usagers des marais classés de Bourges » (2), qui évoque la promotion d'un « tourisme contrôlé », en limitant le nombre de visiteurs annuels. Ces balades sont nécessaires pour le délégué départemental de Sites et monuments : elles permettent de « montrer le patrimoine, le mettre en valeur et le protéger ». De son côté, le président de l'AMB avance l'idée de visites découvertes pour les groupes scolaires et étudiants, « d'une dizaine de personnes ».
(1) Association loi 1901 « pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ».
(2) Signée par plusieurs associations, dont Patrimoine marais mais pas l'AMB.
Rémi Cazaméa et Pierre Machado