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Prud'hommes : la livreuse d'annuaires touchait 3 euros de l'heure

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Comme les milliers de distributeurs recrutés par Pôle emploi dans toute la France, Dominique Colombo a commencé par déposer l’annuaire Pages Jaunes dans les boîtes aux lettres de son département de résidence. Sa première fiche de paye, en 2011, est plutôt légère, mais cette mère de trois ados qui a du mal à joindre les deux bouts accepte une seconde mission dans la foulée : « Les responsables de secteur m’ont fait miroiter 2.500 à 3.000 euros par mois. » Elle recevra pour sa tournée en Corrèze 484 euros net.

L’indemnité kilométrique versée par l’employeur donne de la consistance à la fiche de paye, mais « elle ne prend pas en compte l’usure du véhicule. J’ai commencé ce boulot avec une voiture neuve. Au total, sur deux ans, j’ai effectué 71.300 km, avec de multiples pannes et changement de pièces. Tout à ma charge », relate cette habitante de Naillat (Creuse), qui a engagé une procédure aux prud’hommes. Un ancien collègue qui travaille depuis plusieurs années pour la même société, S’Pass II diffusion, dont le siège est à Bourges, confirme : « On démarre tous les matins avec 600 kg d’annuaires dans la voiture, ça bousille rapidement les amortisseurs. »

Dominique Colombo appartenait à la catégorie des « super-distributeurs » : « La société a besoin de nous pour aller sur les territoires où le recrutement local ne suffit pas ». Sur deux ans, elle a effectué quatorze missions au total. Elle a livré des annuaires dans la Gironde, la Charente-Maritime, jusque dans la Drôme et dans la Manche, à des centaines de kilomètres de son domicile.

Mais pourquoi avoir accepté de tels déplacements si ce job ne paye pas??

Des tournées « finies à la lampe frontale »

« Au début, je me suis dit que ça pouvait être un boulot indépendant, pas désagréable. Ca exige de la débrouillardise. Dans les communes, on est bien aidé par les secrétaires de mairie… »

La super-distributrice creusoise a pensé pouvoir alterner les missions de quinze jours « et un temps équivalent passé à la maison, avec les enfants. » Sauf qu’au fil des mois son employeur a « diminué le remboursement des frais. » Un collègue témoigne : « Dominique, je l’ai vue démarrer à 5 heures du matin et finir de distribuer la nuit avec une lampe frontale ».

Patiemment, Dominique Colombo a tout recompté, retracé tous ses périples. En y décelant, parfois, le ressort d’une tragi-comédie : « Le pire, c’était l’Aveyron. L’habitat était très dispersé. Il y a parfois cinq kilomètres entre deux boîtes aux lettres. Une fois, j’ai distribué 50 annuaires en 6 heures. Sur deux semaines, j’ai travaillé 210 heures, la société ne m’a compté que 30 heures. »

Un jour, alors qu’elle se débattait avec ses annuaires dans la Drôme, son mari a eu un accident cardiaque, ses enfants se sont retrouvés seuls à la maison : « Ca a été le déclic, je me suis rendu compte que j’abandonnais ma famille pour gagner 1 à 3 euros de l’heure. » n

Julien Rapegno


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