«La dame m’a prise par les épaules et m’a dit : “Votre mari est déporté, c’est une première porte qui s’ouvre.” »
Nous sommes le 6 juin 1944. Odette Lesimple se trouve dans un commerce à Vierzon lorsqu’elle apprend le débarquement des Alliés en Normandie. Maman d’un garçon en bas âge, cette jeune Berrichonne de vingt-cinq ans est séparée depuis trois mois de son mari.
Guy Lesimple, résistant, a été arrêté le 8 mars à Bourges alors qu’il travaillait dans le quartier de l’Aéroport. « Il est resté pendant deux mois au Bordiot. Il a été interrogé et torturé par Paoli (agent français de la Gestapo à Bourges, NDLR). »
Odette se rend à plusieurs reprises à la prison du Bordiot pour amener du linge propre à son mari. Elle croise au détour de l’une de ses visites un infirmier militaire allemand qui soigne son Guy. Il s’agit d’un certain Alfred Stanke, plus connu désormais sous le nom du franciscain de Bourges. Le moine se veut rassurant auprès de la jeune femme : « “Aie confiance”, m’avait-il dit », se souvient Odette.
Guy Lesimple est transféré au camp de transit et d’internement de Royallieu à Compiègne (Oise). Il est ensuite déporté au camp de Neuengamme puis de Sachsenhausen, au nord de Berlin (Allemagne).
Originaire de Nançay, au nord-est de Vierzon, Odette retourne chez ses parents. Mais il faut se ravitailler. Elle est donc à Vierzon ce 6 juin 1944 lorsqu’elle apprend l’arrivée des troupes alliées en France. À l’époque, les moyens pour s’informer sont forcément très limités : « Nous avons appris la bonne nouvelle par une vendeuse. C’était vraiment un soulagement. »
La jeune femme trouve un motif d’espoir de plus de croire en la libération de son mari. L’émotion est très forte après quatre ans d’occupation allemande : « On pleurait toutes les deux avec la dame. J’avais honte de pleurer. »
Euphorique, Odette se rend à Nançay pour aller annoncer la bonne nouvelle à sa famille. Une information qui lui donne des ailes : « Je faisais le chemin en bicyclette. Il y avait une côte. D’habitude, je la faisais à pied mais là, je l’ai faite en vélo?! »
Odette arrive chez ses parents. Mais elle n’aura pas le privilège de leur annoncer le débarquement. La nouvelle se répand assez vite dans le Cher. « Ils le savaient déjà par ma sœur?! » Guy, lui, est prisonnier au même moment : « Il l’a appris dans le camp de concentration, il venait d’arriver en Allemagne depuis quelques jours. »
Entre attente,espoir et angoisseLes heures et les jours suivants mêlent espoir, attente fébrile et angoisse. Odette guette les informations concernant l’avancée des troupes alliées en France. Un jeune homme, qui habite à proximité, la renseigne régulièrement sur leur progression.
Jusqu’au jour de la délivrance. Le 4 septembre 1944, Odette assiste à la libération de Vierzon. Mais elle ne respirera vraiment qu’en recevant un mot par la poste annonçant la libération de son mari. Avant le grand moment avec le retour de Guy en juin : « C’était un soir, on venait de dîner, il faisait beau. Mon fils a accouru vers lui. Quand je suis sorti, il avait notre fils dans les bras. Je n’ai pas pu bouger. » n