Quand Nicola White a lancé un appel sur Facebook, samedi, pour retrouver les auteurs du message d'une bouteille retrouvée sur une plage en Angleterre, c'était comme envoyer une deuxième bouteille à la mer. Mais il était définitivement écrit que le message des élèves du collège Louis-Armand à Saint-Doulchard ne se perdrait pas.
Le numéro de téléphone laissé n'est pas le bon, mais après de nombreux partages de son appel sur les réseaux sociaux, dimanche après-midi, la spécialiste des chasses au trésor sur la Tamise reçoit déjà des nouvelles d'un des auteurs, en classe de troisième. « On a fait un séjour en Angleterre après les vacances de Pâques et nous l'avons jetée depuis le ferry », raconte un collégien, en commentaire de son post. Des parents d'autres élèves du collège se manifestent : « C'est mon fils et ses copains qui ont jeté cette bouteille, trop fort. »
« On a fait un séjour en Angleterre après les vacances de Pâques et nous l'avons jetée depuis le ferry »
Le principal du collège, Jean-Pierre Szpak, confirme que l'établissement reçoit beaucoup de messages d'habitants, qui veulent relayer l'appel de celle qu'on nomme déjà « la bouteille de Saint-Doulchard. » Il décrit « une initiative de plusieurs élèves » qui débouchera peut-être sur un échange avec Nicola White, la destinataire. Une enseignante est chargée de la contacter. Il rappelle néanmoins aux élèves que « ce n'est pas bien pour l'environnement de jeter des bouteilles en plastique à la mer. » Certains internautes avaient en effet déjà fait la remarque en commentaire de l'appel.
La photo de groupe que les collégiens ont par la suite envoyée à Nicola.
Une première bouteille de France... et du BerryRapidement, Nicola propose d'échanger des photos avec le jeune et de raconter l'histoire sur son blog qu'elle tient pour conter ses trouvailles. Elle n'a pas encore eu le temps de la mettre en ligne, mais a accepté d'en prendre pour répondre à www.leberry.fr. Car c'est la première fois qu'elle tombe sur une bouteille de l'Hexagone. La plupart du temps, il s'agit de bouteilles d'Anglais jetées dans la Tamise. Après la Belgique, la Norvège, la Suède, l'Allemagne, c'est au tour de la France et du Berry. – Comment vous avez trouvé la bouteille ?J'ai trouvé la bouteille sur la plage a Shellness. Shellness est sur l'ile de Sheppey, (comté de Kent, Angleterre, un endroit stratégique, entre la rivière et la mer, NDLR). C'est a Shellness que j'ai mon studio d'art. Je l'ai trouvée vendredi 26 mai. Je n'ai pas trouvé d'autres bouteilles ce jour-là. – Vous avez eu rapidement une réponse de la part des internautes qui connaissent le collège de Saint-Doulchard. Quels ont été vos échanges ?Après avoir mis le message vendredi soir, les gens ont partagé le post des centaines de fois (1.695 partages lundi après-midi, NDLR). Les élèves sont contents. C'est « random connection » (la communication aléatoire en français, NDLR), le buzz que ça crée, que les gens aiment. Le message écrit par les collégiens.
« Avec toutes les communications instantanées, comme les textos et les mails, trouver une lettre écrite à la main devient précieux »
– Avez-vous l'habitude de passer par les réseaux sociaux pour trouver les auteurs des bouteilles ? Chaque fois que je trouve une bouteille avec un message, je lance les recherches sur Twitter avec mon compte @tidelineart et aussi mon Facebook page Tideline Art. Je retrouve assez souvent les auteurs des messages. Je trouve que tout le monde aime bien le mystère et le défi de trouver les auteurs des messages. Le puissance des médias sociaux est très forte pour les trouver ! Il y a quelques années, j'ai trouvé un message d'un petit garçon qui disait simplement « Je voudrais être un Power Rangers, le rouge. » Grâce à Twitter, je l'ai retrouvé et lui ai envoyé un déguisement du héros ! – Que ressentez-vous quand vous retrouvez les auteurs des messages ?Beaucoup de plaisir ! Il y a quelques années, une professeur de Norvège et ses élèves ont lancé plusieurs bouteilles dans la Tamise à Londres. J'en ai trouvé quatre. Je leur ai écrit. Deux semaines plus tard, j'ai reçu cinquante lettres de tous les élèves ! – Comment vous est venue l'idée de chercher des bouteilles à la mer ?Il y a quelques années, mon chien a trouvé une bouteille par hasard et me l'a donnée quand on faisait une promenade. Après ça, j'ai commencé a chercher. Pour mon art, je ramasse des choses qui sont au bord de la Tamise, comme le bois, les morceaux de verre et poteries, les morceaux de métal. Il y a, malheureusement aussi beaucoup de plastique (et beaucoup de bouteilles) qui ont été jetées dans la rivière ou la mer. De temps en temps, il y a un message dedans!
« La vie est trop courte pour faire quelque chose pour lequel tu n'as pas une vraie passion ! Je voulais me réveiller le matin en étant pleine d'enthousiasme »
– Avez-vous un périmètre défini pour vos recherches ?Je trouve la plupart de mes bouteilles au bord de la Tamise, à Londres, ou au bord de son estuaire. C'est la première fois que je trouve une bouteille d'enfants de France. – Pourquoi les gens envoient des bouteilles selon vous ?Il y a plusieurs raisons. Maintenant, avec toutes les communications instantanées, comme les textos et les mails, trouver une lettre écrite à la main devient précieux. Je pense que c'est lié au désir de se connecter avec les autres. Il y a quelque chose d'un peu magique de passer par les lettres dans les bouteilles. C'est le serendipity (la chance, NDLR). Les enfants de nos jours n'écrivent pas souvent de vraies lettres! Tu sais jamais qui va la trouver, c'est plus excitant qu'Instagram ou Snapchat. Et puis on reste tous des enfants... La bouteille retrouvée par Nicola. À propos de Nicola White : Nicola White parle français car elle a vécu pendant environ huit années dans les Hautes-Alpes (La Grave, la Meije) et a travaillé à Paris comme secrétaire. Son fils est même né en France. Elle est revenue en Angleterre en 1998. Elle a travaillé pendant vingt-quatre ans dans le monde de l'entreprise et des banques. En janvier 2016, elle a décidé de quitter son poste de secrétaire pour BNP Paribas à Londres, où elle travaillait depuis six ans. Elle voulait suivre son rêve de travailler avec son art. « La vie est trop courte pour faire quelque chose pour lequel tu n'a pas une vraie passion ! Je voulais me réveiller le matin en étant pleine d'enthousiasme! Maintenant, je fais mon art, je dépense moins et je vis au jour le jour... Je n'ai aucun regret d'avoir quitté le monde de l'entreprise ! » Lire à ce sujet un article issu de The Telegraph : Un message dans une bouteille qui a changé sa vie Elle travaille l'art du verre, de la poterie et du bois flotté depuis vingt ans. Elle utilise ses trouvailles (morceaux de verre, pièces) pour fabriquer de nouvelles œuvres, dans une démarche à la fois esthétique et de recyclage. – Dans un reportage de la BBC sur son travail de recherche de bouteilles, on y voit le chien de Nicola avec qui tout a commencé. Elle y explique que pour elle, chaque bouteille a son histoire qu'elle peut imaginer, et le fait qu'elle aime ne pas savoir sur quoi elle va tomber. À propos des chasseurs de trésor : – Des pirates modernes sur les berges de la TamiseOn y explique le terme de « mudlarking » qui désigne l'activité de Nicola White : c'est « l'activité qui consiste à récupérer des objets échoués, enfouis dans le sable et polis par les marées successives. » – Clint Buffington, un autre chercheur de bouteille aux États-Unis que connaît Nicola White.
En chiffres
2011, la première bouteille qu'elle a trouvée avec son chien, par hasard, appartenait à une fille qui habitait Londres. Il s'agit du 102e message qu'elle a retrouvé. La plus ancienne bouteille trouvée datait d'il y a douze ans. Toutes les 200 bouteilles, elle trouve un message à l'intérieur...
Christelle Marilleau